Les boulangeries de Nontron en 1817

 Les boulangers de Nontron demandent que la taxe au kilogramme soit fixée à 57 centimes 1/2 pour le pain blanc, 47 1/2 pour le pain second, 35 pour le pain noir de seigle et méteil. Cette taxe est acceptée par le maire et le sous-préfet mais, pour la compenser, une souscription permettra de distribuer aux pauvres environ 160 livres de pain gratuit. La nouvelle majoration de 1 liard par livre, prise le 7 avril 1817 et nécessitée par une hausse successive des grains pendant plusieurs marchés, met Nontron en effervescence. D’abord plainte est portée pour défaut de cuisson. Pendant que le maire Bussac escorté de son adjoint, du juge de paix, des gendarmes, saisit des tourtes de pain litigieuses dans les boulangeries, la foule que les femmes surexcitent l’injurie. Le pain confisqué est distribué séance tenante, aux indigents — il était donc comestible ! — et une accalmie se produit de courte durée. Des énergumènes envahissent la mairie et exigent une baisse immédiate de 2 liards jusqu’à la Saint-Jean. Le rétablissement de la taxe de la veille n’est pas agréé par les meneurs. Le maire se retire. Les ouvriers de la ville et quelques paysans des environs l’escortent, le menacent et assiègent sa maison, tandis que le tocsin sonne. Bussac fils serait décidé à frapper d’un sabre les émeutiers qui réussiraient à enfoncer la porte que les coups ébranlent. Il est désarmé par Tourny qui, vu du dehors l’épée en mains, détourne sur lui la fureur. La foule se précipite chez lui, pille les provisions de bouche, monte de la cave une barrique de vin qu’elle n’a pas le temps de vider en entier, chassée qu’elle est par le sous-préfet et le juge de paix. Le conseil municipal consent aux réductions imposées. L’émeute s’apaise dans les cris de joie. La taxe de la veille néanmoins est maintenue pour les étrangers de la commune ; « elle est réduite de 3 liards et ramenée à 4 sols 1 /2 en pain second pour la classe la moins aisée qui se munira de bons à la mairie et la commune paiera la différence des 3 liards ». Un mandat d’amener n’en est pas moins signé le 16 avril contre 13 accusés dont Martial Groslhier. Une agitation larvée se prolonge et proteste contre la fabrication du pain de troisième qualité, « préparé avec du son », affirme-t-on. La mairie se soumet aux injonctions et saisit douze sacs de son chez deux boulangers, pour qu’ils soient employés « au profit de la classe indigente », qui alors n’aurait plus protesté de manger gratuitement du son ! Cependant les boulangers rentrent en possession de leurs sacs, sur preuves que le son était réservé à leurs cochons. La répression de l’émeute du 7 avril par la justice est rapide. Le tribunal exceptionnel de la cour prévôtale, en vigueur en ce temps, se réunit le 16 mai suivant, sous la présidence du colonel de Montille. Neuf prévenus sont relaxés pour charges insuffisamment prouvées ; Marmiton, de la Maladrerie, est condamné aux travaux forcés à perpétuité ; Guérin dit Bourguignon, à dix ans de réclusion ; Jean Fargeas à six ans et Péry à cinq ans de la même peine. Le 17 mai tous les quatre sont exposés au carcan, devant une foule immense venue même des communes les plus éloignées de l’arrondissement.

Source : La seconde restauration en Périgord, de Georges Rocal.


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